La seconde session de Lectures Partagées de l'année a pris place jeudi dernier à la médiathèque. Comme toujours, de judicieux conseils de lecture ont été partagés, selon les goûts.
Pour changer, un coup de cœur exposition, en ce moment à Caen :
L'exposition Surface sans cible à l'Hôtel de ville de
Caen. 150 clichés d'artistes... pris depuis leurs smartphones. En complément,
une petite partie prise par des amateurs. Des photographies contemporaines,
parfois surprenantes, émouvantes et belles. Plus d'informations ici.
Saga-fleuve qui se compose d'un ensemble de vingt-sept
nouvelles et d'un roman écrits par un expert en géopolitique internationale, un
récit d'anticipation atypique. Le premier recueil présente la genèse de
l'histoire : rencontres extraterrestres, découvertes de l'espace et de
nouvelles planètes, développement de la Terrienne Instrumentalité... S'amorce
ici la tonalité globale l’œuvre : une très grande variété de sujets et de
registres ; parfois profonds et philosophiques, parfois légers et
lumineux, quelquefois subtilement humoristiques – mais toujours surprenants et
très imaginatifs.
Un incontournable pour les amateurs de science-fiction.
Du XXe siècle à quinze mille ans plus tard, une histoire du futur de
l'humanité et de sa conquête de l'espace construite comme une succession
de chroniques individuelles formant peu à peu la toile de l'avenir. Les
hommes sont dispersés dans la galaxie sous le contrôle des seigneurs de
l'instrumentalité, guides omnipotents presque immortels grâce à une
substance nommée stroon.
Second roman de l'auteur, et prix Goncourt 2016.
Un roman qui tire son inspiration d'un fait divers aux États-Unis.
Le récit s'ouvre par le massacre de deux enfants par leur nourrice. On revient
ensuite sur les pièces du puzzle, qui, en s'assemblant peu à peu dans une
logique infernale, on put conduire au drame.
On plonge donc dans le quotidien d'un jeune couple qui
réussit, aisés et très actifs tous deux professionnellement. Peu présents à la
maison, ils recrutent donc une bonne pour garder leurs deux enfants. Cette
femme semble une vraie perle : la maison est toujours bien tenue à leur
retour, les enfants sages et calmes, prêts à être coucher. On suit alors la
lente progression d'une relation à la base employeur-employé, où le contrat
s'estompe : la nourrice devient vite indispensable tous les jours, dans
toutes les situations – le week-end, en vacances, en soirée... S'intégrant
comme un véritable membre de la famille, qui permettrait à chacun de mener une
existence confortable.
Tout semble donc parfait dans le meilleur des mondes :
quiétude domestique, stabilité dans une atmosphère attentionnée. Et pourtant, sous
cette apparence de famille parfaite, la folie et son escalade guettent... Une histoire écrite très simplement, sans affect, où les
situations s'expriment d'elles-mêmes. Néanmoins, subtilement dérangeant - qui
fait froid dans le dos et pousse à réfléchir.
Lorsque Myriam reprend son activité professionnelle, elle et son mari
engagent Louise pour s'occuper de leurs deux enfants. Cette dernière
prend bientôt une place excessive dans le foyer. Cette situation conduit
la famille à un drame.
Prix Fémina Etranger
2016.
L'histoire se déroule au Liban, entre deux guerres. Une femme
de 72 ans vit seule dans son appartement, brouillée plus ou moins avec le reste
du monde hormis quelques voisins. Cette ancienne employée de librairie, très
pauvre, à pourtant une grande passion : les livres. A chaque début
d'année, elle va traduire une de ses lectures favorites en anglais, pour son
unique plaisir. On revient ensuite sur sa vie, sa jeunesse, son divorce, les
restrictions de la guerre, le manque d'argent et la survie comme on peut,
l'entraide entre voisins... De l'avis de notre lecteur, un récit qui
s’appesantit pourtant un peu, voire semble un peu long à conclure.
Aaliya Saleh, âgée de 72 ans, a les cheveux bleus. Elle a toujours été
non conventionnelle, sans mari, sans enfants, sans religion, et a
toujours lutté à sa manière contre le carcan imposé par la société
libanaise. Une seule passion l'anime : la littérature. Tandis qu'elle
tente de maîtriser son corps vieillissant et sa spontanéité, elle doit
faire face à une catastrophe inimaginable.
Un roman curieux, qui s'ouvre sur l'analyse d'état d'une œuvre d'art : L'Homme au gant, exposé au Louvre. Attribué
au Titien, ce tableau présente pourtant une singularité sur la signature de
l'artiste : on jurerait que son nom a été rajouté au-dessus d'un autre...
Plusieurs indices, comme les différences entre les couches de peintures et de
vernis utilisés laissent à penser à une spoliation. Remontant le fil du temps,
l'auteur nous entraîne alors au XVIème siècle, à Constantinople. Eli, un jeune
garçon d'origine juive, à défaut d'être autorisé par sa religion à dessiner
les « créations de Dieu », « peint dans sa tête » et
imagine des tableaux. Pourtant, il possède un véritable don. De rencontres en
rencontres, du calligraphe aux conseils du prêtre, il part pour Venise, alors
capitale des Arts. D'un bon, nous retrouvons le même homme dans la place, mais
40 ans plus tard – renommé « Elios » pour ne pas trahir ses origines
et pâtir de l'antisémitisme ambiant. Sa carrière de peintre, qui fut très
florissante, s'étiole – emporté par le tourbillon des luttes de pouvoirs entre l’Église et l’État par le biais de l'Art. Il rejoint alors une communauté musulmane.
La troisième partie poursuit son histoire, lorsqu'il prend finalement le nom
d'« Ali ». L'épilogue se penche enfin sur le voyage du tableau de
L'Homme au gant – la boucle est bouclée.
Un beau voyage culturel et spirituel, très instructif du
point de vue artistique.
Né à Constantinople en 1519, Elie Soriano a émigré à Venise, troqué son
nom pour celui d'Elias Troyanos, fréquenté les ateliers du Titien et
fait une carrière exceptionnelle sous le nom de Turquetto : le petit
Turc, comme l'a surnommé Le Titien. M. Arditi retrace le destin de cet
artiste né juif en terre musulmane, nourri de foi chrétienne et traîné
en justice pour hérésie. Prix Jean-Giono 2011
Une animatrice de télévision à succès se rend à sa remise
d’Oscar… Et soudainement, sur le chemin, est écrasée par la chute d'un débris de station spatiale et meurt.
Dans une grande lumière blanche, elle se réveille alors. Devant
«Bouddha », six pattes, et qui l’informe qu’il est temps de se mettre à
bosser. Ayant conservé tous ses souvenirs, elle s’est réincarnée en fourmi (une
belle indication sur sa qualité en tant que personne précédemment… !). Une
fourmi qui culpabilise, d’avoir laissé sa petite fille orpheline de mère et qui
envahit donc son ancien jardin, pour mieux voir une amie faire du charme à son
mari dès son banquet mortuaire… De situations burlesques aux plus cocasses, son
long cheminement parmi le cycle des réincarnations, de la fourmi au hamster
jusqu’aux plus hautes sphères. Comme compagnon d’infortune, elle rencontre à la
fourmilière la réincarnation de Casanova. Haut les cœurs !
Kim Lange reçoit son prix de meilleure présentatrice télé le jour de
l'anniversaire de sa fille Lilly, qu'elle fêtera avec elle le lendemain.
Mais elle meurt le soir même. Dans l'au-delà, elle apprend qu'elle a
trop mal agi dans sa vie et est réincarnée en fourmi. Voyant sa famille
recomposée, elle veut remonter l'échelle des réincarnations au plus
vite.
Cinq ou sixième roman de l’auteur, on retrouve ici sa plume
ciselée. L’histoire, les histoires, prennent place dans un immeuble en
Sardaigne. L’homme du dessus est un virtuose mais modeste violoniste, la
voisine du milieu est de son âge et fait le ménage, celle d’en-dessous est la
jeune narratrice… Les uns et les autres se croisent, se rencontrent, reçoivent la
visite de leurs enfants, petits-enfants,
dans un joyeux charivari de voisinage où s’entremêle cohabitation,
fantasmes, sentiments.
Un récit très fluide qui met souvent le sourire aux lèvres
– fantaisiste, doucement incongru mais naturel, parfois mélancolique,
quelquefois bouleversant - profondément émouvant. Lumineux, et qui offre une peinture d’une
grande subtilité des détails et des relations humaines.
Une jeune étudiante de Cagliari observe la vie de son immeuble et le
quotidien de ses occupants. D'origine modeste ou à l'aise
financièrement, tous se croisent chaque jour : la famille Johnson qui
occupe tout le dernier étage, surnommé Buckingham Palace, Anna, la femme
de ménage, Alice, Giovannino et les autres.
Roman d’anticipation qui a fait grand bruit à sa sortie,
étant donné le contexte politique.
L’histoire prend place en France en 2022, au terme du second
mandat de François Hollande. On assiste alors à la montée du nouveau parti «
Fraternité musulmane », qui a obtenu le soutien des autres partis
traditionnels pour contrer l’extrême-droite.
Dans ce cadre, le narrateur apparaît comme un homme détaché
du monde contemporain, solitaire et lassé de l’actualité. D’une quarantaine
d’année, cet universitaire vivant à Paris est un spécialiste des poètes
décadents du XIXème, siècle dans lequel il aurait préféré vivre.
L’intrigue suit l’élection puis la mise en place progressive
de ce Gouvernement musulman, qui se passe sans heurt et même redonne au pays un
regain d’optimisme. Le narrateur lui-même finit par y voir le positif, alors
que sa maîtresse juive veut quitter le pays pour Tel-Aviv. Davantage qu’une
provocation, une réflexion sur la société occidentale et la modernité, dans
laquelle « Dieu est mort », dépouillée de spiritualité – une satire
politique sur une société en déliquescence. L’islam pourrait-il y apporter une
solution… ?
A la fin du second mandat de François Hollande, alors que s'opposent au
deuxième tour Marine Le Pen et une alliance des partis de tous bords et
du candidat de la Fraternité musulmane, la question se pose d'un système
influencé par un Islam qui gagne du terrain sur le front politique et
intellectuel. François, professeur à Paris III, se retrouve confronté à
la transformation de son université.
Parents toxiques,
comment échapper à leur emprise (documentaire) de Susan Forward, 2001
Un instructif documentaire sur les diverses traumatismes
pouvant toucher l’enfant - des brimades morales à l’inceste. Plus qu’une simple
liste, un florilège de témoignages tirés des douze ans d’exercice de l’auteur,
de ces consultations, de ces thérapies et groupes de travail. Quelque part un
récit intime, très fluide à lire, où l’on retrouve certains patients tout au
fil du livre. Profondément humain : si parfois dure, une lecture
finalement optimiste : la guérison existe.
Cette psychothérapeute aborde un sujet longtemps tabou : la vie
problématique des adultes qui, dans leur enfance et leur adolescence,
ont souffert du comportement de leurs parents. L'attitude ou les paroles
de ces parents se sont répandues dans tout l'être de l'enfant,
s'insinuant dans la structuration de sa personnalité. Partant
d'histoires vécues, les thérapies sont décrites et analysées.
Un roman inspiré d’un fait divers ayant pris place dans les
années 1780. Une jeune femme simple mais intelligente arrive à Caen, employée
comme servante chez une bonne famille de la Noblesse. Huit jours plus tard, le
grand-père décède subitement, et la voilà subitement accusée d’empoisonnement
et de tentative de meurtre sur l’ensemble de la famille. Pourtant sans aucun
mobile et en l’absence totale d’indices, alors que les preuves à charge comme la
vaisselle disparaissent mystérieusement, déjà son bûcher est préparé. Si le
dossier arrive dans les mains du Procureur du roi à Caen, puis à Rouen, pour
elle commence des années de calvaire, ballotée de cachots sordides en fosses
putrides peuplées de rats. Seuls deux curés de Rouen semblent croire en son
innocence, et relance les procédures qui s’enlisent en convoquant le plus
célèbre avocat de l’époque.
Alors que le meurtrier demeurera pour toujours inconnu, la
voilà enfin libérée. Peut alors commencer sa seconde vie, se détachant du
cauchemar pour s’émerveiller et vagabonder dans les rues de Paris. Une fin
optimiste et réconfortante. Un beau style et une intrigue intéressante.
A Caen en 1781 Marie Salmon est accusée à tort d'avoir empoisonné le
maître au service duquel elle était depuis quelques jours. Après une
enquête hâtive, elle est condamnée à être brûlée vive. Peu avant son
exécution, deux prêtres demandent à l'avocat Pierre-Noël Le Cauchois de
défendre la jeune femme, convaincus de son innocence. Bientôt Le
Cauchois adresse une requête Louis XVI...
Merci à tous les participants. Prochaine session le 16 mars à 19h30 !