samedi 18 février 2017

Lectures partagées du 16 février.

La seconde session de Lectures Partagées de l'année a pris place jeudi dernier à la médiathèque. Comme toujours, de judicieux conseils de lecture ont été partagés, selon les goûts.

 


Pour changer,  un coup de cœur exposition, en ce moment à Caen :
L'exposition Surface sans cible à l'Hôtel de ville de Caen. 150 clichés d'artistes... pris depuis leurs smartphones. En complément, une petite partie prise par des amateurs. Des photographies contemporaines, parfois surprenantes, émouvantes et belles. Plus d'informations ici.





Les Seigneurs de l'Instrumentalité, volume 1 (roman SF) de Cordwainer Smith, 1974
Saga-fleuve qui se compose d'un ensemble de vingt-sept nouvelles et d'un roman écrits par un expert en géopolitique internationale, un récit d'anticipation atypique. Le premier recueil présente la genèse de l'histoire : rencontres extraterrestres, découvertes de l'espace et de nouvelles planètes, développement de la Terrienne Instrumentalité... S'amorce ici la tonalité globale l’œuvre : une très grande variété de sujets et de registres ; parfois profonds et philosophiques, parfois légers et lumineux, quelquefois subtilement humoristiques – mais toujours surprenants et très imaginatifs.
Un incontournable pour les amateurs de science-fiction.
Du XXe siècle à quinze mille ans plus tard, une histoire du futur de l'humanité et de sa conquête de l'espace construite comme une succession de chroniques individuelles formant peu à peu la toile de l'avenir. Les hommes sont dispersés dans la galaxie sous le contrôle des seigneurs de l'instrumentalité, guides omnipotents presque immortels grâce à une substance nommée stroon.
 

Chanson douce (roman) de Leïla Slimani, 2016
Second roman de l'auteur, et prix Goncourt 2016.
Un roman qui tire son inspiration d'un fait divers aux États-Unis. Le récit s'ouvre par le massacre de deux enfants par leur nourrice. On revient ensuite sur les pièces du puzzle, qui, en s'assemblant peu à peu dans une logique infernale, on put conduire au drame.
On plonge donc dans le quotidien d'un jeune couple qui réussit, aisés et très actifs tous deux professionnellement. Peu présents à la maison, ils recrutent donc une bonne pour garder leurs deux enfants. Cette femme semble une vraie perle : la maison est toujours bien tenue à leur retour, les enfants sages et calmes, prêts à être coucher. On suit alors la lente progression d'une relation à la base employeur-employé, où le contrat s'estompe : la nourrice devient vite indispensable tous les jours, dans toutes les situations – le week-end, en vacances, en soirée... S'intégrant comme un véritable membre de la famille, qui permettrait à chacun de mener une existence confortable.
Tout semble donc parfait dans le meilleur des mondes : quiétude domestique, stabilité dans une atmosphère attentionnée. Et pourtant, sous cette apparence de famille parfaite, la folie et son escalade guettent... Une histoire écrite très simplement, sans affect, où les situations s'expriment d'elles-mêmes. Néanmoins, subtilement dérangeant - qui fait froid dans le dos et pousse à réfléchir.
Lorsque Myriam reprend son activité professionnelle, elle et son mari engagent Louise pour s'occuper de leurs deux enfants. Cette dernière prend bientôt une place excessive dans le foyer. Cette situation conduit la famille à un drame.


Les Vies de papier (roman) de Rabih Alameddine, 2016
Prix Fémina Etranger 2016.
L'histoire se déroule au Liban, entre deux guerres. Une femme de 72 ans vit seule dans son appartement, brouillée plus ou moins avec le reste du monde hormis quelques voisins. Cette ancienne employée de librairie, très pauvre, à pourtant une grande passion : les livres. A chaque début d'année, elle va traduire une de ses lectures favorites en anglais, pour son unique plaisir. On revient ensuite sur sa vie, sa jeunesse, son divorce, les restrictions de la guerre, le manque d'argent et la survie comme on peut, l'entraide entre voisins... De l'avis de notre lecteur, un récit qui s’appesantit pourtant un peu, voire semble un peu long à conclure.
Aaliya Saleh, âgée de 72 ans, a les cheveux bleus. Elle a toujours été non conventionnelle, sans mari, sans enfants, sans religion, et a toujours lutté à sa manière contre le carcan imposé par la société libanaise. Une seule passion l'anime : la littérature. Tandis qu'elle tente de maîtriser son corps vieillissant et sa spontanéité, elle doit faire face à une catastrophe inimaginable. 


Le Turquetto (roman) de Metin Arditi, 2016
Un roman curieux, qui s'ouvre sur l'analyse d'état d'une œuvre d'art : L'Homme au gant, exposé au Louvre. Attribué au Titien, ce tableau présente pourtant une singularité sur la signature de l'artiste : on jurerait que son nom a été rajouté au-dessus d'un autre... Plusieurs indices, comme les différences entre les couches de peintures et de vernis utilisés laissent à penser à une spoliation. Remontant le fil du temps, l'auteur nous entraîne alors au XVIème siècle, à Constantinople. Eli, un jeune garçon d'origine juive, à défaut d'être autorisé par sa religion à dessiner les « créations de Dieu », « peint dans sa tête » et imagine des tableaux. Pourtant, il possède un véritable don. De rencontres en rencontres, du calligraphe aux conseils du prêtre, il part pour Venise, alors capitale des Arts. D'un bon, nous retrouvons le même homme dans la place, mais 40 ans plus tard – renommé « Elios » pour ne pas trahir ses origines et pâtir de l'antisémitisme ambiant. Sa carrière de peintre, qui fut très florissante, s'étiole – emporté par le tourbillon des luttes de pouvoirs entre l’Église et l’État par le biais de l'Art. Il rejoint alors une communauté musulmane. La troisième partie poursuit son histoire, lorsqu'il prend finalement le nom d'« Ali ». L'épilogue se penche enfin sur le voyage du tableau de L'Homme au gant – la boucle est bouclée. 
Un beau voyage culturel et spirituel, très instructif du point de vue artistique.
Né à Constantinople en 1519, Elie Soriano a émigré à Venise, troqué son nom pour celui d'Elias Troyanos, fréquenté les ateliers du Titien et fait une carrière exceptionnelle sous le nom de Turquetto : le petit Turc, comme l'a surnommé Le Titien. M. Arditi retrace le destin de cet artiste né juif en terre musulmane, nourri de foi chrétienne et traîné en justice pour hérésie. Prix Jean-Giono 2011


Maudit karma (roman) de David Safier, 2010
Une animatrice de télévision à succès se rend à sa remise d’Oscar… Et soudainement, sur le chemin, est écrasée par la chute d'un débris de station spatiale et meurt. Dans une grande lumière blanche, elle se réveille alors. Devant «Bouddha », six pattes, et qui l’informe qu’il est temps de se mettre à bosser. Ayant conservé tous ses souvenirs, elle s’est réincarnée en fourmi (une belle indication sur sa qualité en tant que personne précédemment… !). Une fourmi qui culpabilise, d’avoir laissé sa petite fille orpheline de mère et qui envahit donc son ancien jardin, pour mieux voir une amie faire du charme à son mari dès son banquet mortuaire… De situations burlesques aux plus cocasses, son long cheminement parmi le cycle des réincarnations, de la fourmi au hamster jusqu’aux plus hautes sphères. Comme compagnon d’infortune, elle rencontre à la fourmilière la réincarnation de Casanova. Haut les cœurs ! 
 Kim Lange reçoit son prix de meilleure présentatrice télé le jour de l'anniversaire de sa fille Lilly, qu'elle fêtera avec elle le lendemain. Mais elle meurt le soir même. Dans l'au-delà, elle apprend qu'elle a trop mal agi dans sa vie et est réincarnée en fourmi. Voyant sa famille recomposée, elle veut remonter l'échelle des réincarnations au plus vite.


Sens dessus dessous (roman) de Milena Agus, 2016
Cinq ou sixième roman de l’auteur, on retrouve ici sa plume ciselée. L’histoire, les histoires, prennent place dans un immeuble en Sardaigne. L’homme du dessus est un virtuose mais modeste violoniste, la voisine du milieu est de son âge et fait le ménage, celle d’en-dessous est la jeune narratrice… Les uns et les autres se croisent, se rencontrent, reçoivent la visite de leurs enfants, petits-enfants,  dans un joyeux charivari de voisinage où s’entremêle cohabitation, fantasmes, sentiments.
Un récit très fluide qui met souvent le sourire aux lèvres – fantaisiste, doucement incongru mais naturel, parfois mélancolique, quelquefois bouleversant - profondément émouvant.  Lumineux, et qui offre une peinture d’une grande subtilité des détails et des relations humaines.
 Une jeune étudiante de Cagliari observe la vie de son immeuble et le quotidien de ses occupants. D'origine modeste ou à l'aise financièrement, tous se croisent chaque jour : la famille Johnson qui occupe tout le dernier étage, surnommé Buckingham Palace, Anna, la femme de ménage, Alice, Giovannino et les autres. 


Soumission (roman) de Michel Houellebecq, 2015
Roman d’anticipation qui a fait grand bruit à sa sortie, étant donné le contexte politique.
L’histoire prend place en France en 2022, au terme du second mandat de François Hollande. On assiste alors à la montée du nouveau parti « Fraternité musulmane », qui a obtenu le soutien des autres partis traditionnels pour contrer l’extrême-droite.
Dans ce cadre, le narrateur apparaît comme un homme détaché du monde contemporain, solitaire et lassé de l’actualité. D’une quarantaine d’année, cet universitaire vivant à Paris est un spécialiste des poètes décadents du XIXème, siècle dans lequel il aurait préféré vivre.
L’intrigue suit l’élection puis la mise en place progressive de ce Gouvernement musulman, qui se passe sans heurt et même redonne au pays un regain d’optimisme. Le narrateur lui-même finit par y voir le positif, alors que sa maîtresse juive veut quitter le pays pour Tel-Aviv. Davantage qu’une provocation, une réflexion sur la société occidentale et la modernité, dans laquelle « Dieu est mort », dépouillée de spiritualité – une satire politique sur une société en déliquescence. L’islam pourrait-il y apporter une solution… ?
A la fin du second mandat de François Hollande, alors que s'opposent au deuxième tour Marine Le Pen et une alliance des partis de tous bords et du candidat de la Fraternité musulmane, la question se pose d'un système influencé par un Islam qui gagne du terrain sur le front politique et intellectuel. François, professeur à Paris III, se retrouve confronté à la transformation de son université.


Parents toxiques, comment échapper à leur emprise (documentaire) de Susan Forward, 2001
Un instructif documentaire sur les diverses traumatismes pouvant toucher l’enfant - des brimades morales à l’inceste. Plus qu’une simple liste, un florilège de témoignages tirés des douze ans d’exercice de l’auteur, de ces consultations, de ces thérapies et groupes de travail. Quelque part un récit intime, très fluide à lire, où l’on retrouve certains patients tout au fil du livre. Profondément humain : si parfois dure, une lecture finalement optimiste : la guérison existe.
 Cette psychothérapeute aborde un sujet longtemps tabou : la vie problématique des adultes qui, dans leur enfance et leur adolescence, ont souffert du comportement de leurs parents. L'attitude ou les paroles de ces parents se sont répandues dans tout l'être de l'enfant, s'insinuant dans la structuration de sa personnalité. Partant d'histoires vécues, les thérapies sont décrites et analysées.



Les deux vies de Marie Salmon (roman) d'Yves Jacob, 2005
Un roman inspiré d’un fait divers ayant pris place dans les années 1780. Une jeune femme simple mais intelligente arrive à Caen, employée comme servante chez une bonne famille de la Noblesse. Huit jours plus tard, le grand-père décède subitement, et la voilà subitement accusée d’empoisonnement et de tentative de meurtre sur l’ensemble de la famille. Pourtant sans aucun mobile et en l’absence totale d’indices, alors que les preuves à charge comme la vaisselle disparaissent mystérieusement, déjà son bûcher est préparé. Si le dossier arrive dans les mains du Procureur du roi à Caen, puis à Rouen, pour elle commence des années de calvaire, ballotée de cachots sordides en fosses putrides peuplées de rats. Seuls deux curés de Rouen semblent croire en son innocence, et relance les procédures qui s’enlisent en convoquant le plus célèbre avocat de l’époque.
Alors que le meurtrier demeurera pour toujours inconnu, la voilà enfin libérée. Peut alors commencer sa seconde vie, se détachant du cauchemar pour s’émerveiller et vagabonder dans les rues de Paris. Une fin optimiste et réconfortante. Un beau style et une intrigue intéressante. 
A Caen en 1781 Marie Salmon est accusée à tort d'avoir empoisonné le maître au service duquel elle était depuis quelques jours. Après une enquête hâtive, elle est condamnée à être brûlée vive. Peu avant son exécution, deux prêtres demandent à l'avocat Pierre-Noël Le Cauchois de défendre la jeune femme, convaincus de son innocence. Bientôt Le Cauchois adresse une requête Louis XVI...

 
 
Merci à tous les participants. Prochaine session le 16 mars à 19h30 !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire